Tirage spécial du loto en faveur du patrimoine, France Info
Je souhaite partager avec vous cet entretien diffusé sur France Info, qui évoque mon amendement adopté la semaine dernière. Amendement par lequel je demande au gouvernement de fournir à l’assemblée un rapport examinant l’organisation d’un tirage spécial du loto en faveur du patrimoine. Pour compléter cet article, je précise toutefois que si je porte cette idée depuis 2001 période à laquelle j’étais directeur du patrimoine, je ne suis député que depuis 2 ans.
Présentateur : Raphaëlle Duchemin
Raphaëlle Duchemin : Et vous, êtes-vous prêts à acheter un ticket de loto pour que les gains aillent au financement des monuments nationaux ? C’est l’idée en tout cas proposée par un député des Yvelines, celui de Versailles, justement. Un tirage spécial pour une dotation exceptionnelle qui permettrait donc de compenser la baisse des crédits. On va en parler avec nos deux invités. Bonjour, Denis Muzet.
Denis Muzet : Bonjour.
Raphaëlle Duchemin : Vous êtes sociologue et fondateur de l’Institut Médiascopie. Avec nous également en ligne, François-Xavier Bieuville, bonjour.
François-Xavier Bieuville : Bonjour.
Raphaëlle Duchemin : Directeur général de la Fondation du Patrimoine. Première question peut-être pour vous François-Xavier Bieuville, comment est-ce que vous accueillez cette idée ? C’est quelque chose qui va dans le bon sens de demander finalement aux Français de participer ?
François-Xavier Bieuville : Alors écoutez ça va forcément dans le bon sens, puisque toute source d’argent, qu’elle soit public ou privée, pour rénover notre patrimoine national, et notre patrimoine de proximité, ce que fait la Fondation du Patrimoine, c’est toujours une bonne idée. Donc, on ne peut pas écarter ce que font d’ailleurs quelques-uns de nos voisins comme l’Angleterre, d’avoir des lotos qui sont dédiés à la rénovation du patrimoine. C’est une bonne idée en soit, après il faudra évidemment voir comment tout ça s’organise et notamment comment l’argent sera fléché vers tel ou tel projet, c’est ça l’une des questions essentielles.
Raphaëlle Duchemin : Oui parce que ça existe déjà effectivement en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Italie aussi. Denis Muzet ça pourrait marcher en France ? On est prêts pour ce genre d’initiatives ?
Denis Muzet : Ecoutez, est-ce que le patrimoine est une cause suffisamment mobilisatrice pour espérer trouver des joueurs pour lever des gains ? Si c’est une journée dans l’année oui probablement mais encore faut-il que ceux qui jouent aient un intérêt, un attachement au patrimoine ou inversement, que ceux qui sont attachés au patrimoine aient la fibre du jeu de loterie. Donc il faut une rencontre entre deux types de publics.
Raphaëlle Duchemin : Quand on dirige la Fondation du Patrimoine, François-Xavier Bieuville, on se dit quoi quand on entend ce genre d’initiatives ? Que ça va être compliqué de convaincre ? Qu’il y’a peut-être d’autres moyens que vous mettez déjà à la disposition des Français qui veulent participer ?
François-Xavier Bieuville : Pour l’instant je dirai qu’on est dans une première idée qui a été émise pour essayer de trouver des fonds. Ce que fait la Fondation du Patrimoine, elle le fait déjà d’une certaine manière en ouvrant le mécénat populaire via des souscriptions publiques, sur des projets locaux qui sont animés par un tissu associatif en liaison avec les collectivités locales, la plupart du temps des communes, pour lever des fonds. La Fondation du Patrimoine lève tous les ans en moyenne une douzaine de millions d’euros, ce qui permet de traiter entre 1000 et 1200 projets de rénovation de ce patrimoine non protégé, de proximité. Donc c’est une technique qui fonctionne bien, pourquoi ne pas en imaginer d’autres ? Pour l’instant, on reste j’allais dire dans l’observation de cette idée et puis on verra comment les choses peuvent s’organiser. Mais je crois qu’il ne faut jamais écarter aucune piste, pour effectivement trouver des sources financières supplémentaires.
Raphaëlle Duchemin : Denis Muzet, c’est vrai que quand on pense loto, on pense forcément gains importants qu’on va peut-être réussir à arracher, on ne pense pas forcément à le reverser au patrimoine national. Est-ce que ça c’est quelque chose qui peut, peut-être faire que l’idée ne se réalise pas, est-ce que les Français finalement vont adhérer à ça ?
Denis Muzet : Comme vient de l’expliquer votre invité, au fond, on a deux modèles. On a le modèle d’un financement par le local et avec le relais d’un tissu associatif. Ca c’est un modèle décentralisé, parce que le patrimoine il est d’abord local, dans telle ou telle ville ou dans tel ou tel département. Et puis, le modèle par le loto, ce serait un modèle national, ce serait un modèle beaucoup plus médiatique avec une caisse de résonnance énorme sur cette journée qu’on peut imaginer et c’est un modèle aussi qui fait appel à la mobilisation de l’ensemble du pays donc ce sont deux modèles extrêmement différents, ils peuvent s’en doute se compléter. On peut avoir des doutes quand même sur la possibilité de mobiliser les Français sur ce type de cause, dès lors que c’est à l’échelle de la nation toute entière. Mais ça peut fonctionner, il n’est pas nécessaire que ce soit des sommes considérables. Le risque, c’est celui de la banalisation. C’est-à-dire qu’on pourrait aussi imaginer un loto pour les sans-logis, une journée pour les banlieues, une journée pour les ruralités. Vous voyez, je pense qu’à force d’être sollicités aussi, les citoyens qui voient bien par ailleurs que l’Etat est impécunieux, les citoyens pourraient en avoir un petit ras le bol et se détourner de ce type d’événement.
Raphaëlle Duchemin : C’est aussi ce que vous pensez, François-Xavier Bieuville ?
François-Xavier Bieuville : Moi je pense qu’en réalité il faudra sans doute être beaucoup plus précis sur la mécanique de fonctionnement de ce type de levée de fonds, et notamment sur la question du fléchage de l’argent une fois collecté. Ce qui fonctionne bien à la Fondation du Patrimoine c’est, d’une certaine manière, l’appropriation par le donateur de l’objet sur lequel il souhaite faire une donation, via une souscription publique. Et à partir de ce moment là, il y a un phénomène je dirai d’incarnation quand vous donnez pour une église, pour une chapelle, pour une place de village, pour une fontaine ou un lavoir, cet objet là vous l’avez tous les jours devant les yeux parce qu’il fait partie de votre environnement quotidien. Et moi j’insiste sur le fait qu’il faut pour que ça marche, que le fléchage soit très précis, pour que l’individu qui joue ou qui donne, quelque soit la modalité, puisse s’approprier l’objet sur lequel il donne et puisse, d’une certaine manière, s’y incarner en quelque sorte, pour avoir la valeur de la chose pour lequel il a donné. C’est ça qui est le plus important. Après les modalités de levée de fond, et bien il faut y réfléchir. On a un certain nombre de techniques nouvelles comme le crowdfunding en ce moment qui marche également très bien, avec certaines sociétés en ligne qui font ça très bien. Il ne faut pas refuser la modernité ni les comparaisons avec nos voisins européens pour trouver des fonds de groupe.
Raphaëlle Duchemin : En tout cas on verra si ça fait écho au sein de la société française et si cette idée est retenue, le député qui la propose, la propose quand même notons-le, depuis l’année 2001. Merci tous les deux d’avoir été en direct avec nous sur France Info.